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Sometimes wish I could get back home

Vendredi 17.08.07

J'ai hésité un moment avant de réemprunter les escaliers de mon enfance. Les longs escaliers aux marches irrégulières. Rien n'avait changé. Les noms sur les boîtes aux lettres étaient les mêmes. C'était la même voisine deux maisons plus bas qui taillait ses fleurs habillée de sa robe de chambre, les mêmes cheveux teints en brun enroulés dans des bigoudis. Celle chez qui j'allais sonner parfois, accompagnée d'une copine, pour s'enfuir se cacher et rire quand elle ouvrait la porte.

Je suis arrivée en bas de mon ancienne maison. La petite cabane en bois clair que mon père nous avait construite, avec des trous en forme de coeur sur les volets, y était toujours. Le même noisettier, dans lequel je grimpais, les mêmes buissons à raisinnets rouges qui étaient toujours acides, le même carré d'herbe où je jouais. J'ai fermé les yeux sur les rosiers qui étaient apparus et la balançoire disparue- celle en bois, qui grinçait un peu, dont je pourrais encore sentir les cordes entailler mes mains.

Il y avait toujours autant de fleurs devant la maison d'à côté, le même petit étang, la même échelle en bas du pommier. Je voyais de loin mon ancienne voisine s'activer dans la cuisine, comme avant. Si j'te jure, comme avant.
Quand l'été était encore long, quand j'allais prendre le dessert là bas et que je faisais avec eux la sieste à l'ombre sur leur terrasse.
Alors je suis remontée la petite allée. C'était la même petite baignoire pour les oiseaux par terre, la même petite table ronde avec la même nappe, j'ai reconnu les motifs.
Je respirais difficilement, c'était tellement étrange.
 

J'ai appuyé sur la sonnette- le même bruit que sept années en arrière. Elle n'a pas entendu tout de suite et j'ai sonné une deuxième fois, guettant sa réaction, souriant déjà. Elle a regardé dehors et je l'ai rejointe à la porte-fenêtre de la cuisine, d'où elle est sortie.
Elle m'a reconnue après une hésitation et serré dans ses bras, m'a raconté un peu, m'a demandé un peu. Ses cheveux gris sont restés les mêmes, sa peau encore lisse. J'avais oublié qu'elle avait les yeux bruns, je les voyais gris ou bleus. Elle faisait le ménage m'expliquait-elle, André venait de partir à la gym.

Petite, je m'étais toujours imaginée vivre mes soixante ans comme eux. Avoir une maison avec une belle vue et des photos sur les murs, et un grand balcon. Cultiver plein de fleurs dans le jardin, et sur le toit aussi, où on prenait parfois l'apéro, quand il y avait encore du soleil. Et cuisiner très bien, et recevoir en vacances les petits-enfants. Et faire des voyages et.

Elle ne m'a pas proposé de m'asseoir boire un thé rouge comme elle m'en offrait autrefois quand je rentrais de l'école. On s'est parlé un peu vite, on s'est quittées vite aussi.
J'ai fait un tour entre quelques maisons. Un peu sur la pointe des pieds parce que j'étais étrangère, même si je ne me sens nulle part autant chez moi que là-bas. Tout était à sa place. La fenêtre de ma chambre avait les stores en métal descendus et la petite barrière en bois qui entourait la maison n'y était plus. Ca aurait été trop étrange. Mais le reste. La porte cuivrée qui était brûlante les jours de soleil, la grande fenêtre de la cuisine, les grands buissons derrières lesquels j'allais me cacher, où poussaient les fougères.
J'ai cueilli une framboise dans les plants que mon père déjà
entretenait et qui n'ont pas bougé. Le goût des framboises me rappellera toujours cette époque de ma vie je crois. Je suis passée sous le vieux prunier pour toucher l'eau de la piscine de quartier où j'ai appris à nager, où j'avais peur quand je n'avais plus pieds. 

On dit toujours rien ne peut jamais être comme avant.
Mais j'ai eu les larmes aux yeux là-bas parce que pour la première fois de ma vie peut-être, un court moment avait fait mentir cette vérité, avait mis des parenthèses sur le temps. C'était comme avant. Exactement.
Je me suis sentie trop grande soudain, comme si j'avais essayé de réenfiler ma petite jupe bleue avec les papillons, celle que je portais à sept ans, comme si j'avais fait craquer les coutures du t-shirt qui allait avec.
C'était comme si le petit quartier en lisière de forêt avait demeuré intouché durant toutes ces années jusqu'à mon retour parce que le temps s'y était arrêté.

Et je suis repartie lentement, à pied, refaisant mon ancien chemin d'école.

Je ne sais pas si j'ai vraiment eu envie de revenir en arrière, ou pas. Je sais juste que j'ai eu le mal de toute cette paisibilité, cette insouciance. Le mal des habitudes, des choses insignifiantes qui font les souvenirs dont on se rappelle plus tard, quand c'est trop tard, quand on n'a plus que ce fleuve étrange que sont les pensées pour se rapprocher de loin de cette berge qu'on a quitté un jour sans vraiment s'en rendre compte et qu'on ne touchera plus jamais.

Par aubes, le Dimanche 19 Août 2007, 16:33.

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Commentaires

inconsciente

inconsciente

19-08-07 à 18:21

C'est beau, on s'y croirait.
On croirait que ce quartier fleuri a toujours été le nôtre.
Qu'on reconnaît chaque détail et que cela fait papillonner notre coeur.

Je connais ce goût de la framboise, cueillie à même le framboisier, la sensation douce de la mollesse des petits grains roses foncés, et l'acidité envoûtante qui se dégage de la pulpe qu'ils renferment.
Ce goût qui me rappelle à moi aussi le bon temps, le temps où toute la famille s'activait dans l'hectare de jardin de mes grands-parents.
Les grandes-tantes qui s'écharpaient et arrachaient, parmi les mauvaises herbes, une plante toute neuve que ma grand-mère venait de planter. Mon grand-père, roi du monde, trônant sur son tracteur. Moi qui faisait des bouquets de petites fleurs sauvages et qui en offrait à tout le monde.
Les cousins qui construisaient des cabanes dans les bois...

:)


Re:

aubes

aubes

20-08-07 à 00:09

Ca me touche que tu apprivoises de telle façon ce que j'ai écrit là. Que tu te sois laissée prendre aux mots au point de dire on croirait que c'est nous.
C'est un article important pour moi.

La framboise sur la langue. J'ai toujours ressenti cette sensation comme quelque chose de particulier, sans jamais y mettre de mots. Et tu le fais si bien.
Et puis ta famille est drôle comme tu la présentes, ça m'a fait sourire.


Re:

inconsciente

inconsciente

20-08-07 à 00:22

On sent que ces mots sont importants pour toi.
Et moi je dois dire que je n'ai pas vu mes doigts traduire aussi vite ces sensations sur lesquelles je n'avais jamais encore mis de mots...
Ce sont tes mots à toi qui m'ont permis de sortir les miens, et mes souvenirs

:)

merci


ecilora

ecilora

19-08-07 à 18:52

Et tous ces souvenirs d'enfance qui ravivent les miens. Je me vois hier, il y a deux ans, dix, quinze. En train de cueillir fraises et framboises derrière la maison. J'avais un tee-shirt blanc et des nattes avec une frange énorme. J'avais le visage maculé de grains de framboises et je m'essuyais les mains sur mon tee-shirt.
Cette maison d'avant. Je ne peux qu'imaginer. Moi qui suis née dans la maison où j'écris ces quelques mots. Tous ces souvenirs qui remontent à la surface. Et tous ces sourires. Parce que bien sûr, comme avant, c'est difficile. Mais en fin de compte, je me rends compte que le presque comme avant commence à me suffir.
Comme les films d'enfance que l'on regarde ensemble assis sur le canapé....

BzOo


Re:

aubes

aubes

20-08-07 à 00:14

Lol... j'imagine la fillette, au milieu des framboisiers plus grands qu'elle. J'étais comme toi tu sais, je m'essuyais toujours sur mes habits. Et ça m'arrive encore.

Oh, j'aimerais revoir ces vidéos là, tous ensemble, et rire de choses que l'on n'avait pas remarquées à l'époque. Ca me donne envie d'aller ouvrir des albums photos.