Lundi (14/05/18)
Ces pages pour vivre
Souvent je repense à la façon dont je m'appuyais sur ces pages pour vivre – où chaque mot me permettait de digérer mes émotions et mieux traverser mes paysages. J'écrivais sans règles, sans fil conducteur, sans idée de conclusion. Les phrases se déversaient sur le clavier.
J'y revenais dès que possible et cela me manque. Déverser mon monde sans peur de jugement. Un instant à moi face à la page.
Aujourd'hui je l'avale, mon monde, je le laisse bouillonner dans mon ventre, toutes émotions comprises. J'avale celui des autres, aussi, que j'aperçois sur les réseaux sociaux, et ce que ça éveille en moi. Peut-être faudrait-il écrire davantage, à nouveau. Retrouver. Mon premier amour - celui des mots.
Les mots faisaient danser mes journées - le bitume gris devenait poétique, la douleur devenait belle, parfois, la joie s'intensifiait, bien que difficile à exprimer. Une écriture de la joie au lieu de la mélancolie? Oui, je pense que c'est possible, et j'aimerais tant la trouver. Il y a autant d'écritures qu'il y a d'humains, et j'aimerais beaucoup trouver mon écriture de la joie. Réapprendre. A écrire les petites et les grandes choses.
Par aubes,
11:19.
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Dimanche (29/10/17)
Dansé
Seule dans cet appartement où je n'habite pas, dans cette ville à l'autre bout de la terre presque -
j'ai allumé le feu dans la cheminée, éteint les lumières, monté le son et dansé, là, dans la semi-pénombre, entre la baie vitrée les murs et le canapé, attrapant entre deux tournis les lueurs de l'extérieur. Mes pensées ricochaient entre les bribes de ma vie, et j'ai dansé, encore et encore et retrouvé les frissons de mes vingt ans, ou encore avant, lorsque cet état d'insouciance me connaissait si bien. Dansé, imaginé que tout était possible, dansé, pensé que je n'avais pas grandi, que rien n'avait changé, dansé, souriant seule dans le noir, chantant un peu faux le long des lignes. Dansé encore, entre les battements de la basse. Dansé, pleine de cette confiance naïve qui bouillonnait dans mes veines à cet âge de tous les possible. Dansé, comme si rien n'avait changé, comme si je n'avais pas grandi, seule dans cet appartement étranger, dans le noir. Dansé comme à ces heures de ma vie où je m'en allais vers l'inconnu sans le poids de trente-six mille questions sans réponses sur ma poitrine. Dansé parce que la vie est légère, dansé parce qu'il faut savourer, dansé parce que la vie est belle si on le veut bien, avec la naïveté de nos quinze ans, dansé parce que je suis encore cette jeune fille à la démarche doucement impatiente, dansé parce que je veux regarder le monde avec ce regard débordant de voeux et de possibles, dansé parce qu'il n'y a rien à perdre, rien à rattraper, rien à regretter, même si le ciel nous tombe dessus. Dansé, et je danserai encore.
Par aubes,
07:19.
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Mercredi (17/05/17)
Encore le printemps
L'air tiède sur la peau après la douche, la lumière tôt le matin, le soleil avançant sur la ville comme une marée d'or. J'ai bientôt 27 ans et j'atterris gentiment dans la vie. Après quelques mois ou années de creux, les rêves gonflent à nouveau mes voiles comme autant de promesses du possible. Les horizons s'irisent doucement. Tant d'idées, tant d'envies. Mes yeux cherchent les raccourcis mais au fond je sais qu'il faudra encore quelques chemins de traverse pour y parvenir.
Par aubes,
20:49.
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4 mots
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Dimanche (05/06/16)
Bords du monde
Infiniment j'aimerai encore regarder dans les lumière de la nuit. L'air frais, sur la peau, entre les eaux est le même. L'air parsemé de pluie et cette rumeur de la nuit. Respirer à pleins poumons et jusqu'au fond des veines les fleurs mielleuses, la nuit. Est à nouveau bleu roi, noyé du reflet orangé de la ville. La nuit est comme un lagon. Transparent, de bruits secs et de rumeurs étouffées, de folie retombée. Au loin l'écho d'un clocher - comme le tournoiement d'un phare, quelque part - boussole d'une nuit à la dérive. Eclats de voix et bruits de pas, quelques secondes, le temps de la rue traversée, et puis le tonnerre doux et lointain d'un avion qui ne va nulle part.
Je parcours le monde et ses journées et sans cesse reviennent les images de ce qui m'a heurté, effleuré, soufflé, étourdie, plongée, abandonnée, retrouvée. Nous parcourons pour toujours ce monde, ses déjà-vus et ses falaises abruptes où s'arrête une galaxie et ou commence la prochaine.
J'écris si peu maintenant, mais j'ai sous la peau encore chaque frisson, chaque grain de sel au fond des yeux. Ecrire le souvenir de ce coin d'île au large de Vancouver, à 20 minutes direction sud depuis la station du ferry. Ecrire la forêt, le béton brûlant, l'air silencieux, chargé de feuillage et d'été et d'océan imminent. Cette petite maison construite de leurs propres mains, gorgée des couleurs souvenues du Mexique et d'une vie remplie.
Les colibris flottant dans l'air, puis disparus subitement. Les biches dans le jardin venues grignoter les fleurs au bord de la maison. Et surtout le silence, le silence du vent dans les feuillages, le silence paisible d'un soir d'été sur une île. Les hamacs sur la terrasse et la silhouette de D., déjà fatiguée, un peu desséchée, mais tellement prête à vivre encore et encore cette vie jusqu'à sa fin, sa silhouette dans le hamac - être là, simplement, regarder encore un peu dans les profondeurs de ce jardin que l'on connaît par coeur, regarder encore un peu la nuit tombée, regarder encore un peu sans vraiment regarder peut-être, juste être, être là dans l'odeur des pins.
Le soleil du soir, le soleil du matin d'un côté ou de l'autre de la maison. Le calme et cette simplicité d'être - je n'en reviendrai peut-être jamais, de cette fascination pour une petite maison, au bout d'une petite île canadienne, au bord du monde.
Bien plus, je n'en reviendrai peut-être jamais de. Se permettre d'être simplement là, à respirer l'instant sans penser une seconde à être ailleurs.
De toutes mes forces j'espère que j'aurai ou que je garderai, moi aussi, de la sève de cette vie pour la reconstruire encore et encore, différemment, nouvellement, au fil décousu des années, sans penser une seconde à être ailleurs.
Je garde le crépuscule tombé sur l'océan, les silhouettes de ces îles quelque part entre ciel et mer, le bord de l'eau, infini. Le bord de l'eau et le bord du monde, comme réunis.
Il y a certainement un million de bords du monde sur cette planète. Il y a le bord du monde derrière la barrière de ce balcon. Il y a le bord du monde au bord de cette nuit. Il y a le bord du monde dans l'odeur de la terre détrempée après l'orage, le bord du monde dans les lumières scintillant au loin. Il y aura le bord du monde demain à l'aube.
Par aubes,
23:50.
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Mercredi (11/11/15)
Laisser entrer la lumière
Oh les crevasses que l'on se créé. Lorsqu'on a vingt ans, à peine, que l'on tente de construire la vie et d'y mettre un peu tout ce que l'on voudrait - tant de choses qui ne pouvaient jamais cohabiter.
Les fossés, les rocs aux dents pointues, sur lesquels on se fait trébucher, un peu ivre de tous ces sentiments dont on ne sait rien, dont on ne fait que découvrir l'intensité.
Oh les profondeurs que l'on tranche, dans le coeur d'un être dont on sait si peu, si ce n'est qu'on pense l'aimer.
L'on me parlait de conséquences, et je ne savais que trop bien ignorer ce que je ne voulais entendre. C'est donc vrai. L'on passera donc toute une vie dans la peau que l'on s'est créé et la peau n'oublie jamais vraiment. La peau de l'âme, non plus.
Au bord de ces précipices, il n'y a que le présent à saisir désormais, à vivre de tout coeur, à nouveau, comme si nos surfaces n'avaient jamais été blessées. Et par les fissures de nos êtres, laisser entrer la lumière.
Par aubes,
12:26.
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2 mots
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Comme quelques mots
Comme quelques mots, juste quelques mots, peuvent ramener à la surface tant de sentiments que le corps avait oublié. Cette douleur que je pensait avoir désapprise, laissée sur le bord de l'une de mes routes aux souvenirs.
Il y a quelques jours je disais à Ma. mon avis sur le pouvoir infini qu'ont les mots de vous déchirer, de vous réparer, de vous retourner dans tous les sens, de vous apaiser. Ce pouvoir qu'ont les mots de capturer des fragments de cette vie folle belle indicible, des fragments tranchants, fondants, des fragments de vie coulant comme du miel sur la peau, ou des fragments qui vous poignardent jusqu'au fin fond.
Et voilà qu'à la table d'un restaurant aux couleurs branchées flashées et à l'ambiance tamisée, devant une bougie éteinte, quelques mots ramènent comme une marée la mousse onctueuse de certaines souvenirs salés sur les lèvres et puis aussi les cadavres de sentiments avalés, non-dits, dégoûtés.
Quelques mots et puis maintenant il faudra guérir à nouveau, passe-t-on donc toute une vie à guérir de maux trop jeunes pour comprendre ce qu'ils faisaient? Trop têtus pour l'admettre.
Pour guérir il y a la couleur d'un pamplemousse coupé en deux peu après huit heures du matin, l'odeur du café moulu, il y a les conversations dans la cuisine comme à mi-voix, il y a les paysages visités, décousus, recomposés à travers l'objectif et les teintes inventées, il y a le brouillard du matin, il y a la perspective des rails qui me mèneront jusqu'au lieu de mes vingt ans. Pour guérir il y aura peut-être les allées désertées du Luxembourg un matin de semaine, les rayons infinis d'une librairie, les larges boulevards, le thé derrière l'une des innombrables fenêtres un peu embuées ou simplement illuminées du crépuscule de l'automne, il y aura la voix de C. aux accords de jazz, il y aura les retrouvailles et les infinies conversations à nouveau.
Pour guérir surtout, à chaque instant, y a le présent et sa splendeur imperceptible. Sa beauté impalpable, son pouvoir indicible que d'être vécu inventé à chaque seconde, bien au-delà de tout ce que les mots peuvent déchirer ou reconstruire, au coeur même, de la vie jamais évanouie.
Par aubes,
11:30.
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Mardi (23/06/15)
Par surprise
Les rails du train et le mouvement lent, les paysages piqués d'arbres fins, fins, tout plein, tout plein. Plein. Les côtes étincelantes, les îles dans la brume, les montagnes au loin, les rues en pente bordées de plantes. L'odeur des sapins, des aiguilles tombées à terre en trouvant mon chemin vers cette maison dans la forêt de Wh*stler. Le calme, silence partout. La vie comme en flot, comme en l'air, quelques parts dans les échos silencieux des alentours. Les montagnes surgies soudainement au détour d'un chemin, les rivières courant plus vite que les routes, parfois laiteuses, parfois transparentes. Les îles piquées de sapin sur la rivière et les chaînes de montagnes, encore. Les falaises abruptes. La neige éparse. Les rocs rouille. Les cascades vrombissantes, assourdissantes, gouttelettes sur ma peau par milliers. Soleil éblouissant, nuages dans mes cheveux, nuages emmêlés autour des sommets ensommeillés. Soleil ruisselant sur les eaux, vagues salées. Le vent dans mes cheveux sur le bateau qui rejoint la côte est de la plus grande île. Biches dans le jardin, silence environnant. Maison éparses, route déserte et bouillante, je marche. Jardins immenses. La pièce où H. fait du pain tout en haut de la colline et leur maison avec vue sur les eaux. Le soleil déclinant dans le jardin silencieux, vrombissement doux et léger d'un colibri. Hamacs chancelant doucement. La côte au crépuscule, les vagues contres les rocs et la plaine avec l'herbe, bateaux juste avant la nuit. Une heure dans la voiture avec A., ses cheveux blonds et ses yeux bleus un peu spéciaux que je n'avais pas devinés sous ses verres teintés mais j'avais aimé son pantalon déchiré et ses cheveux longs. (Du coin des yeux remarquer comment sa retenue se détendait imperceptiblement.) Plages désertes, le village de bord de mer et mon sentiment d'être légèrement perdue. W. rencontré entre les étals de cette boutique seconde main, finalement cela valait la peine d'attendre M. pendant deux heures. W. et ses yeux océan Atlantique qui m'ont accrochée. Le suivre dans la forêt emmêlée jusque sur les rebords de la falaise - le soleil doré éclaté en milliers sur l'eau depuis l'océan. Courir à sa suite pour rattraper le coucher du soleil, les derniers rayons sous la plage - exaltation dans les veines. Le feu sur le sable fin, la nuit tout autour et le feu et quelques visages presque inconnus. Il y a encore tant, tant à garder entre les doigts. Ce pays, par surprise, et cette sensation de pouvoir être simplement moi-même, sans effort, sans peur, et ses horizons libérateurs. Lacs bleus, bleus perçant, bleu et je serais bien restée des heures sous la pluie fine à contempler la surface de l'eau, tantôt rugueuse, tantôt lisse, le temps s'était arrêté au bord de ce lac, au bord du vide et du sommet de cette montagne reflétés dans l'eau.
Par aubes,
22:49.
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( un mot
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Mardi (17/02/15)
Maintenant
Dans le grand ciel bleu très pâle, dans le pan de mes rideaux inondé de lumière. Il n'y a que maintenant. Je suis faite pour les espaces lumineux, le bois, l'odeur des pins et la hauteur des mélèzes, le bruit de la neige sous mes pas et le silence palpable, pour les couleurs légèrement chaudes et les sons à la guitare, la course du piano, je suis faite pour l'apaisement d'une fin d'après-midi peu après dix-sept heures, pour les conversations à mi-voix et pour les rires éclatés très fort, pour les fleurs de cerisier au début du printemps et pour l'aube des jours d'été, pour les repas ensemble et l'apaisement trouvé au milieu de nulle part, pour les feux de bois, les livres empilés, les images parcourues du bout des doigts, les histoires racontées et les maintenants solitaires et partagés.
Par aubes,
17:16.
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Jeudi (29/01/15)
Piquent mes yeux
Traverser Waterloo Bridge en route vers le Royal Opera House. Toutes les lumières piquent mes yeux et le vent glacial, glacial jette mes cheveux partout, je m'arrête au milieu du pont pour mieux absorber les lumières et me sentir vivante.
Après le ballet, laisser A. dans un taxi noir, A. au bord du vide de son histoire. Reprendre le pont dans l'autre sens et penser qu'il y a plus de six mois, c'était la chute libre et la douleur aiguë à l'intérieur, et maintenant traverser ce pont sereinement, à boire les lumières et me dire qu'après tout, oui, c'était vrai, il fallait juste du temps, (on s'en remet, vraiment).
Par aubes,
11:10.
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2 mots
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Vendredi (16/01/15)
Peut-être jamais
Il me reste des fragments de toi, oh oui. Ils me voilent parfois le regard. Pourtant, non, tu ne me manques plus. Mais il reste des fragments de toi auxquels je repense avec tendresse. Une tendresse sereine. Et j'espère ne pas les perdre, ces poussières de lumières que tu as laissé flotter dans un rayon de ma vie. Parfois je repense à ton assurance calme, elle déguisait ton insécurité discrète. Ton honnêteté simple, et le labyrinthe de ta tête duquel parfois tu ne retrouvais plus la sortie. J'avais apprivoisé ton visage. En y repensant j'ai l'impression qu'on aurait pu devenir si proches, et qu'on est restés plutôt lointains. Pourtant j'ai l'impression parfois d'avoir saisi un peu du fond de ton être, que j'aimerais tant retrouver parfois. parfois pas du tout. Je te laisserai là où tu as décidé de rester, quelque part dans ce qui est aujourd'hui un morceau de mon passé. Peut-être te reverrai-je un jour, peut-être jamais.
Par aubes,
20:27.
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Remonter encore le temps