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Bords du monde

Infiniment j'aimerai encore regarder dans les lumière de la nuit. L'air frais, sur la peau, entre les eaux est le même. L'air parsemé de pluie et cette rumeur de la nuit. Respirer à pleins poumons et jusqu'au fond des veines les fleurs mielleuses, la nuit. Est à nouveau bleu roi, noyé du reflet orangé de la ville. La nuit est comme un lagon. Transparent, de bruits secs et de rumeurs étouffées, de folie retombée. Au loin l'écho d'un clocher - comme le tournoiement d'un phare, quelque part - boussole d'une nuit à la dérive. Eclats de voix et bruits de pas, quelques secondes, le temps de la rue traversée, et puis le tonnerre doux et lointain d'un avion qui ne va nulle part.

Je parcours le monde et ses journées et sans cesse reviennent les images de ce qui m'a heurté, effleuré, soufflé, étourdie, plongée, abandonnée, retrouvée. Nous parcourons pour toujours ce monde, ses déjà-vus et ses falaises abruptes où s'arrête une galaxie et ou commence la prochaine.

J'écris si peu maintenant, mais j'ai sous la peau encore chaque frisson, chaque grain de sel au fond des yeux. Ecrire le souvenir de ce coin d'île au large de Vancouver, à 20 minutes direction sud depuis la station du ferry. Ecrire la forêt, le béton brûlant, l'air silencieux, chargé de feuillage et d'été et d'océan imminent. Cette petite maison construite de leurs propres mains, gorgée des couleurs souvenues du Mexique et d'une vie remplie.

Les colibris flottant dans l'air, puis disparus subitement. Les biches dans le jardin venues grignoter les fleurs au bord de la maison. Et surtout le silence, le silence du vent dans les feuillages, le silence paisible d'un soir d'été sur une île. Les hamacs sur la terrasse et la silhouette de D., déjà fatiguée, un peu desséchée, mais tellement prête à vivre encore et encore cette vie jusqu'à sa fin, sa silhouette dans le hamac - être là, simplement, regarder encore un peu dans les profondeurs de ce jardin que l'on connaît par coeur, regarder encore un peu la nuit tombée, regarder encore un peu sans vraiment regarder peut-être, juste être, être là dans l'odeur des pins.

Le soleil du soir, le soleil du matin d'un côté ou de l'autre de la maison. Le calme et cette simplicité d'être - je n'en reviendrai peut-être jamais, de cette fascination pour une petite maison, au bout d'une petite île canadienne, au bord du monde.

Bien plus, je n'en reviendrai peut-être jamais de. Se permettre d'être simplement là, à respirer l'instant sans penser une seconde à être ailleurs.

De toutes mes forces j'espère que j'aurai ou que je garderai, moi aussi, de la sève de cette vie pour la reconstruire encore et encore, différemment, nouvellement, au fil décousu des années, sans penser une seconde à être ailleurs.

Je garde le crépuscule tombé sur l'océan, les silhouettes de ces îles quelque part entre ciel et mer, le bord de l'eau, infini. Le bord de l'eau et le bord du monde, comme réunis.

Il y a certainement un million de bords du monde sur cette planète. Il y a le bord du monde derrière la barrière de ce balcon. Il y a le bord du monde au bord de cette nuit. Il y a le bord du monde dans l'odeur de la terre détrempée après l'orage, le bord du monde dans les lumières scintillant au loin. Il y aura le bord du monde demain à l'aube.

Par aubes, le Dimanche 5 Juin 2016, 23:50.

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