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Fièvre pourprée.

Encore à des centaines de mètres de la surface de la terre, l'aperçu des bancs de brume baignés de soleil et d'un fragment de lac Léman me fait frissonner de joie, et plus tard dans le hall des arrivées Daniela me fait tourner dans les airs. Dans la nuit, les retrouvailles avec Magali transforment nos plaisanteries en rires si incontrôlés que mes yeux pleurent et je me demande ce qu'il y a de mieux au monde que ces instants-là. Avant même d'ouvrir mes 30 kilos de bagages, je découvre les lignes qu'Elsa m'écrit du pays voisin, les couleurs de fête et les détails de sa journée de robe blanche, et le reste, la relis trois fois avec, soudain, tant de gratitude pour cette amitié inscrite dans les lignes de nos lettres.

(Depuis, toute une poignée de journées tourbillonnent comme les feuilles fièvre pourprée de l'arbre japonais devant la fenêtre.)

Elle était douce la lumière s'en allant dans l'après-midi, et maman faisait jouer Mozart, Schubert, Beethoven. Juste nous deux, dans le salon, et je restais immobile, les yeux fixés au loin dehors, pour faire durer l'instant. 


Etait-il plus doux de retrouver Leila dans son petit appartement sous les toits, ou est-il plus doucement fou de la recroiser par hasard, elle ou Ariane, au détour d'une rue de note petite ville, d'un étalage du marché, ou sur la porte de mon café préféré. Ou d'entendre une des jeunes gérantes du même café me répondre l'air soulagé qu'ils cherchaient justement quelqu'un. Etait-il plus doux d'avoir rendez-vous au cinéma avec mes deux soeurs mexicaines préférées, de sourire à cause des frères Coen, d'éplucher une clémentine dans le noir de la salle, ou de chanter italien très fort dans la rue avec elles en sortant? Ou de se laisser aller à danser sous la pluie avec Caroline, sur les pavés détrempés dans la vieille ville. 

Etait-il plus doux de retrouver tout le monde autour de la grande table familiale et des croissants encore chauds dimanche matin, ou d'attarder un après-midi de pluie avec eux à lancer des dés et faire avancer des pions de bois en buvant du thé brûlant. Ou de préparer avec mon père les pommes en pâte à mettre au four, et de respirer la délicieuse odeur de sucre de fruit caramélisé peu après.

Etait-il plus doux d'attendre le train sur la partie ensoleillée du quai avec Ariane, ou de déambuler plus tard dans les rues en riant aux éclats, ou de la photographier au bord du vide avec vue sur la rivière. Ou de monter pour un tour sur les chevaux du manège illuminé de mille petites ampoules, au deuxième étage, si heureuses que l'enfance parfois se trouve à portée de la spontanéité. 

Etait-il plus doux de croquer du chocolat noir dans la cuisine de Livia, de prendre le petit-déjeuner avec elle le lendemain, ou de monter tout en haut, tout en haut de la tour, plus haut que la cloche dans le clocher, et avoir le vertige de la vue à perte d'horizon. Ou de retrouver Camille et Caroline et de s'attabler avec elles et un peu de vin rouge avant de reprendre les rails. Etait-il plus doux de préparer les boissons derrière le bar du petit café où je travaille un peu, dans le silence éparpillé des conversations, ou de retrouver mes parents qui m'attendaient devant un gâteau aux pommes qui avait eu le temps de refroidir, et de se resservir encore et encore en parlant de tout et de rien.

De parler littérature et personnages de roman en cours de construction avec Alex, ou d'avoir le temps de ne rien faire en se levant, d'aller chercher le journal, et de remeubler la maison de poupées ressortie du cartons – toutes les pièces, jusqu'aux tableaux sur les murs, fourchettes dans les tiroirs, tapis et minuscule journal du jour. De laisser le soleil arriver par la fenêtre jusque sur ma peau, retrouver Ariane à la maison, se déhancher follement et chanter à tue-tête. 

Etait-il plus doux d'écouter Myriam évoquer ses itinéraires improvisés à travers l'Europe en camionnette, Marie me parler de ses voyages et de la Thaïlande, ou de retrouver Seb, avec qui je n'avais pas parlé depuis 14 années –le temps où nous étions à l'école ensemble– et découvrir que nous sommes tous les deux photographes, et parler de la lumière du dernier Coen tandis qu'il bruine sur nos visages. Ou de rentrer dans la nuit -enfin, très tôt le matin- avec Ariane et étendre encore la nuit un thé, puis se réveiller à ses côtés.

Je me demande s'il était plus doux de l'entendre me dire qu'elle se sentait libre d'être elle-même, de rire aux éclats et de dire n'importe quoi avec moi, ou me dire, en découvrant la vidéo que j'avais réalisée et dont elle était le modèle, qu'elle allait presque pleurer tellement c'était beau. 

Dans un après-midi s'en allant le vent heurte la maison, la lumière est étrange, et intense malgré la pluie qui forme autant de constellations sur les vitres. Cela fait longtemps que je n'ai pas parlé à M. mais j'espère que cela ne saurait tarder et rien ne me réjouit davantage à l'instant. Kings of Convenience murmurent the power of not knowing where you belong et je souris en coin, oh, imperceptiblement.

Par aubes, le Vendredi 22 Novembre 2013, 15:01.

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